François Confino, architecte muséographe et scénographe, est le créateur de l'exposition "Cités-Cinés" à la Grande Halle de la Villette en 1987, ouvrant la nouvelle voie à l'art scénographique. Précurseur, il a définit le nouveau métier de muséographe.
Aujourd'hui, après une longue carrière marquée de succès, il parcours le monde et ne cesse de nous surprendre, en insufflant la vie dans tous les projets qu'il entreprend.
Aujourd'hui, après une longue carrière marquée de succès, il parcours le monde et ne cesse de nous surprendre, en insufflant la vie dans tous les projets qu'il entreprend.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je
travaille depuis une trentaine d’année dans le domaine de la muséographie
d’exposition et la scénographie notamment à New-York et à Paris mais aussi dans le monde entier.
Aujourd’hui,
je m’occupe des projets avec Véronique Rosen, ma chef de projet tandis que
Michel Helson s’occupe de l’éclairage et de l’audiovisuel.
Quand est née votre passion ?
J’ai
toujours eu envie de faire de l’architecture ou du design depuis que j’étais
petit. Et quand j’ai fait de l’architecture d’HLM j’ai toujours voulu faire des
projets originaux. Et New York m’a beaucoup appris car j’ai pu faire des
propositions originales même si ça ne marchait pas toujours, je me suis bien
amusé. A New York, j’ai aussi tourné des films documentaires et de fictions.
J’avais déjà le goût de l’image.
Vos parents étaient dans ce
milieu ?
Pas du
tout, mon père était interprète aux Nations-Unis et ma mère a fait beaucoup de
peinture quand elle était jeune mais elle était mère au foyer. Mes parents
étaient très cultivés et m’amenaient beaucoup dans des musées. J’ai beaucoup
voyagé quand j’étais enfant car mon père nous amenait partout.
Une fois votre diplôme en poche, qu’avez-vous
fait ?
Je suis
parti pendant cinq ans à New-York et là j’ai effectivement beaucoup appris sur
ce que pouvait faire un architecte en dehors de l’architecture. C’est
d’ailleurs à cette époque que le Centre Georges Pompidou, qui était alors en
création, m’a invité avec des associés à faire la première exposition du Centre
en 1977. Après, je me suis installé dans la région comme architecte, j’ai
construit à Bagnols-sur Cèze, à Alès, un petit
peu dans tout le sud de la France, mais très vite, j’ai eu envie de
faire essentiellement de la muséographie et de la scénographie car ça
m’apportait beaucoup plus. Vers les années 1990, je me suis lancé exclusivement
dans le domaine des expositions et des musées.
Comment avez-vous évolué vers votre
métier de muséologue d’exposition ?
En
apprenant. En faisant la première exposition au Centre Georges Pompidou,
j’avais appris beaucoup de choses et après je savais un petit peu mieux comment
m’orienter. Et j’ai eu beaucoup de chance car j’ai un ami, François Barré, qui
était le président du Centre Pompidou à cette époque et qui m’a confié de gros
projets. Le premier projet que j’ai fait
avec lui, c’était l’exposition au Centre Pompidou et puis après il m’a confié
une grande exposition à la Grande Halle
de La Villette
à Paris sur le cinéma Cités-Cinés qui a
eu un retentissement très surprenant. Nous ne nous attendions pas du tout à ça,
nous avons eu 450 000 visiteurs en trois mois. C’était un record. A la fin
on a même ouvert la nuit, ça ne c’était jamais vu à Paris. C’était très
innovant, sur 6000 m2, les gens se baladaient comme s’ils étaient dans une
ville de fiction dans laquelle on projetait sur de grands écrans des extraits
de films. Nous avions inclus dans l’exposition trois restaurants et un dancing.
Les gens pouvaient aller danser, prendre un verre, se promener. Donc voilà, ça
a fait un tabac. Et à partir de ça, nous avons eu des propositions du monde
entier. L’exposition universelle de
Séville en 1992 c’est comme ça que nous l’avons et celle de 1998 à Lisbonne
aussi.
Quels sont vos principaux
projets ?
J’ai
travaillé à l’international dans tous les pays du monde comme les Etats-Unis, le
Canada, le Brésil, la Nouvelle Zélande, le Japon et la Chine. Mais j’ai bien
aimé m’investir sur le Musée de l’Aiguille en Normandie, un petit musée très
rigolo. Pour l’exposition universelle de Shanghai nous avons fait le pavillon
d’exposition de la ville du futur, l’un des principaux de l’exposition.
Actuellement je travaille en Guadeloupe pour le Mémorial sur l’Esclavage. Le
Musée de l’Automobile et du vin vient d’ouvrir en Italie et j’ai en cours trois gros projets en Suisse
dont un sur le Cerveau en collaboration avec l’Université de Genève, un sur
Charlie Chaplin et un troisième sur les dinosaures dans le Jura. Je reviens du
Maroc où l’on me confie deux projets sur la paléontologie, situés chacun aux
deux extrémités de l’Atlas dans un parc gigantesque protégé par l’Unesco et inscrit
au patrimoine de l’humanité. Le premier sera implanté sur le site où l’on a
trouvé des dinosaures et l’autre plus général traitera du parc et de la
paléontologie.
Quelles sont vos références en
matière de spectacle de rue ?
Je peux
citer le défilé-spectacle « Paris Libéré » pour les 50 ans de la libération à Paris en 1994 alors que
Jacques Chirac était le maire de Paris et que Jean-Jacques Aillagon était ministre
de la culture. C’était une énorme manifestation, on partait de la Porte d’Orléans pour arriver
à la mairie de Paris. Il y a eu quinze millions de spectateurs et le budget
était de 1,8 millions d’euros. J’ai fait aussi un spectacle à Lisbonne en 1998
avec le metteur en scène français Philippe Gentil. C’était un spectacle qui se
jouait cinq fois par jour dans une salle de dix mille places pendant quatre
mois. Nous avons eu 3,5 millions de spectateurs. Nous aurions dû être dans le Guinness
Record pour la pièce de théâtre qui a
reçu le plus de monde en moins de temps.
Quels sont les coûts de tels
projets ?
Concernant
la scénographie uniquement sans l’architecture, le budget général pour le
projet de la Banque de France commencé en 2011 et qui ouvrira en 2014 est autour de 5 millions d’euros. Celui du Musée
de Charlie Chaplin en Suisse est aux alentours de 10 millions d’euros. Le Musée
de l’Automobile qui a commencé en 2003 et que l’on vient de terminer à Milan
avoisinait les 9 millions d’euros. Le budget du projet sur le Musée de
l’Esclavage en Guadeloupe va être de l’ordre de 4 millions d’euros. Nous y
travaillons depuis trois ans mais nous rencontrons beaucoup de freins
administratifs, ce qui fait reculer d’autant son ouverture.
Comment faîtes-vous pour décrocher
un projet ?
Parfois
j’ai des contacts, parfois nous répondons à des concours, souvent je me
renseigne. Une fois j’ai gagné un concours à Los Angeles devant cinquante équipes
et c’est moi qui l’ai eu alors que j’étais le seul qui n’était pas anglo-saxon.
Ça m’a fait très plaisir, c’était pour le Musée d’Histoire Naturelle de Los
Angeles sur lequel on a travaillé pendant quatre ans.
Mais comme nous
avons aujourd’hui une bonne notoriété internationale, très souvent nous avons
des propositions de projet, ce qui nous permet de choisir. Par exemple, nous
avons été sollicités pour le Maroc et la
Suisse, nous avons fait un concours pour la Banque de France et le Mémorial de
l’Esclavage. Tous les musées que j’ai
faits en Italie étaient sur invitation personnelle.
Du coup,
nous n’avons plus le temps de nous occuper de petits projets. J’ai une
proposition de projet à Bordeaux, mais j’hésite car c’est plus compliqué
d’aller à Bordeaux qu’à Paris d’Uzès.
Quel thème préférez-vous traiter ?
Tout
m’intéresse. Nous avons abordé des thèmes complètement différents en passant
par les insectes, les paquebots à Saint-Nazaire, l’argent avec la Banque de France. Nous
sommes éclectiques.
Comment vous viennent les idées ?
Elles émergent
de brainstorming entre mes collaborateurs et de moi. J’aime beaucoup penser à
des projets quand je roule en voiture ou quand je suis dans un train ou un
avion. Je n’y pense pas avant.
Non, moi
j’aime bien avoir un projet et donc un sujet à penser. J’ai toujours
l’impression de revenir à l’université car j’apprends beaucoup de choses que je
ne connaissais pas comme par exemple sur l’économie ou les insectes. Sur
l’automobile je n’ai pas appris grand-chose car je connaissais déjà bien le
sujet. Et je suis très content d’avoir appris mais l’histoire de l’esclavage
grâce au musée du mémorial.
Quelle est la part de la recherche
et de la documentation ?
Une partie
énorme ! Nous avons une très grosse bibliothèque et nous surfons sur le
net. Ce travail de recherche continue tout au long du projet. Sur un projet,
rien n’est figé, tout évolue en permanence dans la mesure du possible. Par
exemple, le Musée de l’Automobile de Turin bien étant réalisé en huit années a
encore évolué un mois avant son inauguration.
Est-ce un métier stressant ?
C’est un
peu de stress, moi je ne suis plus beaucoup stressé, c’est un peu de tension
mais en même temps de la tension intéressante.
Faut-il avoir un diplôme
d’architecture pour faire ce métier ?
Au départ
mon métier n’était pas très bien défini. Les gens disent que j’ai beaucoup
innové dans le métier en faisant des choses beaucoup plus spectaculaires que ce
qui se faisait auparavant. J’inclus, de la musique, du son, des projections,
des effets spéciaux, etc. Aujourd’hui, plusieurs confrères le font aussi, mais autrefois,
j’étais le seul. Les gens qui font ce
métier ne sont pas nécessairement architectes, ils viennent d’école de design,
du théâtre, d’école d’architecture d’intérieur. Mais il faut impérativement
savoir dessiner.
Quelles sont les qualités
requises pour être muséologue d’exposition ?
Il faut
savoir voir dans l’espace et faire preuve de fantaisie. Si on a de l’humour
c’est encore mieux. Il faut avoir de très bonnes connaissances techniques pour
pouvoir, par exemple, choisir le type de projecteur le mieux adapté pour
éclairer un objet en lui donner du mystère ou au contraire l’éclairer
violemment. Il n’y a pas de qualité première, pour faire du bon travail il faut
savoir jongler avec énormément de choses. Par exemple, lorsque je monte une
scène, je vais aussi proposer une musique, il faut donc avoir une bonne
connaissance en musique.
Est-ce que c’est un métier difficile
à vivre ?
Les trois
dernières années ont été plus difficiles que la normale, mais comme on a
beaucoup de projets intéressants, ça va. Mais les jeunes qui sortent des écoles
aujourd’hui ont effectivement beaucoup de difficulté puisqu’il y a trop
d’architectes en France. A Uzès, ville de 7000 habitants, il y a 18 à 20
architectes alors qu’il faudrait un architecte pour 2000 habitants. Deux ou
trois architectes seraient suffisants et c’est pour cette raison que c’est
difficile. Par contre si vous allez à Tourcoing il y en a un peu moins. Par
contre dans mon métier, je n’ai pratiquement pas de concurrence puisque les
responsables des autres agences d’Uzès sont des amis, on ne se sent pas
concurrents. Quand il y a un concours, on se consulte pour savoir si on part
ensemble ou pas. C’est très amical comme relation.
En France
il y a une centaine de scénographes alors qu’il y a 24000 peut-être 30000
architectes maintenant.
Pourquoi, votre métier est-il
toujours aussi passionnant ?
Chaque fois qu’un projet arrive c’est une nouvelle
thématique, je retourne à l’université, j’apprends de nouveau. Ça garde
l’esprit jeune. Certains diraient que l’inconvénient du métier tel que je le
pratique sont les voyages, mais moi j’adore voyager donc ce n’est pas un
problème. Certaines années, j’ai même pris trois cent fois l’avion par an.
Qu’est-ce qui vous plait dans ces
voyages ?
Quand je
voyage, je rencontre des gens très cultivés que je ne rencontrerai jamais si
j’étais un simple touriste. L’autre jour alors que j’étais au Maroc, j’ai
rencontré un gouverneur, le préfet, des chercheurs en paléontologie, ils m’ont
amené dans des endroits où les touristes ne vont jamais. Et en Chine, je suis
allé dans des endroits invraisemblables.
Qu’est que vous a le plus frappé au
cours de votre carrière ?
Ce qui m’a
le plus marqué, c’est l’ouverture d’esprit des gens que j’ai rencontré, comme
François Mitterrand ou Jacques Chirac. J’étais très amis avec Jean Carnet qui
était acteur et habitait à côté de Lussan, j’ai même rencontré Patrick Tilmsit.
C’est l’aspect agréable dans ce métier de pouvoir rencontrer des personnalités
intéressantes qui ont des fonctions importantes. J’ai rencontré beaucoup
d’acteurs de cinéma, car j’ai fait plusieurs expositions sur le cinéma. J’ai
rencontré Mastroianni. Je ne peux pas tous les citer.
Quelle expérience vous a le plus
passionné ?
L’exposition
Cité Ciné car elle avait une approche très originale avec son restaurant, son
dancing et ses boutiques au cœur de l’exposition. C’est une expérience qu’on a
renouvelé en Belgique, au Canada, au Japon et on a même aujourd’hui une demande de la Chine. Et il y a aussi un
petit musée que j’ai fait avec ma femme il y a une quinzaine d’année sur le
musicien Eric Satie, le musée d’Honfleur
et c’est pour moi une des expositions qu’on a le mieux réussi.
Avant la
fin de ma carrière, j’aimerai faire un musée scientifique car je trouve que les
musées occidentaux présentent la science de manière trop morcelée. J’aimerai
faire un musée des sciences à la manière orientale où tous les phénomènes ont
un lien les uns avec les autres. Et l’exposition sur le cerveau pour Genève respecte
cette optique-là.
Vous avez donné le goût pour votre
métier à vos enfants ?
Je
travaille avec mon fil ainé sur le projet de la Banque de France car il est
diplômé d’Economie et a un très bon feeling. J’ai un fils qui est journaliste
scientifique en Suisse pour la radio et la télévision Suisse Romande et j’ai
une fille, Eléonore, qui est actrice,
comédienne de théâtre, écrivain et qui vit de son métier. Elle a écrit
plusieurs pièces de théâtre et a gagné le grand prix de l’écriture théâtrale
l’an dernier, sa pièce va être jouée dans une vingtaine de ville cet automne,
ça s’appelle Building. Une écriture cinglante et pleine d’humour.
Quels seront vos futurs
projets ?
J’ai de
futurs projets en Chine comme celui de la Ville du Cinéma pour Shanghai ou le
Musée du vin et du foie gras, les chinois s’intéressant de plus en plus à la
gastronomie française.
Pourquoi avez-vous choisi
d’installer votre agence à Uzès ?
Après avoir
travaillé à Paris et à New-York pendant une trentaine d’années, j’ai choisi de
goûter aux plaisirs de la vie à la campagne et je me suis installé dans la
petite ville de Lussan en 1996. Uzès étant très proche de Lussan, c’était
finalement plus pratique pour moi et mes huit collaborateurs d’implanter mon
agence dans une ville un peu plus grande comme Uzès, tout en restant
confortable. Uzès bénéficie d’une bonne dimension, il n’y a pas de problèmes de
stationnement et j’adore faire le marché le samedi ! C’est donc naturellement qu’en janvier 2011,
j’ai créé mon agence située place aux Herbes à Uzès. Je travaille d’ailleurs
depuis une dizaine d’années avec mes « satellites », les agences Les
Crayons ou le Nez Haut, implantées elles aussi à Uzès. Ce sont tous d’anciens collaborateurs que j’ai
moi-même formés.
Envisagez-vous de créer un projet
dans la région ?
Je ne suis
pas prophète dans mon pays. La réalisation de Micropolis, c’était le projet le
plus proche que j’ai fait dans la région. Ce qui pourrait me plaire, c’est de
faire un beau décor de spectacle pour le Festival d’Avignon, mais je ne cherche
pas vraiment. Le musée du Bonbon mériterait aussi un peu plus d’originalité.
Mais le projet qui m’intéresse vraiment, c’est Marseille, ville culturelle pour
2013.
Quelles difficultés avez-vous
rencontré dans la région ?
Mon dossier
pour le projet d’aménagement du Pont du Gard n’a pas abouti puisque la réponse,
mesquine à mon goût, était que je n’avais pas les compétences nécessaires
pour réaliser ce projet ! Du coup, je vais chercher beaucoup plus loin mon
travail et j’en suis pleinement satisfait.
Mais même
si je suis de gauche, je dois dire qu’il y a eu seulement un maire de droite à
Nîmes, Monsieur Bousquet, qui a fait des choses remarquables et m’a fait
travailler sur une exposition. Mais sinon, ici aujourd’hui plus personne n’a
d’ambition.
Qu’envisagez-vous à l’avenir pour
vous et votre agence ?
L’agence est
un peu touchée par la crise puisque les affaires mettent plus de temps à se
mettre en place et comme nous recherchons beaucoup d’argent à l’extérieur ça
prend du temps. Mais, l’un dans l’autre,
nous avons un très bon avenir devant nous. J’ai soixante-cinq ans et je ne suis
pas du tout prêt à décrocher, j’ai envie de continuer car ce métier me
passionne. Donc la retraite à soixante ans ce n’est pas pour moi.
©Véronique Pouzard
© Photos non libres de droit
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